ARGENTINELEE
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works
Modul'homme
Modul'homme
Galerie
KernotArt
14, rue Saint-Claude - 75003 Paris
Tél : 01 43 06 58 72
Web :
http://www.kernotart.com
5ème
exposition personnelle d'Argentinelee
Exposition
:
Vue
d'exposition « Moudul'homme »
- 5 photographies
numériques sur le papier argentinque, photomontage, 120cmx120cm chacune
- 2 photographies numériques et identiques sur le papier argentinque,
photomontage, 120cmx80cm chacune
- 20 dessins Modul'homme, stylo à bille sur le papier bristol,
dimensions variables
L’artiste
coréenne Argentinelee essaie de donner de la matière à
des formes primitives animées en 3D (le cube, la sphère, le
cylindre, le cône, le tore, …etc) à l’aide d’images
du corps humain nu. Les œuvres finales sont constituées de montages
photographiques complexes sur supports de papier argentique en grand format.
L’idée de l’artiste est de montrer des images de corps
humain traitées par la machine, et notamment animées en 3D.
Les formes primitives proposées par les logiciels de modélisation
en 3D recomposent l’espace comme un environnement virtuel prétendument
hyper réaliste. La simulation du volume des formes primitives est transcodée
et visualisée selon les règles mathématiques. Mais contrairement
à la réalité du vivant, le monde virtuel de la machine
ne permet pas de représenter la variabilité infinie des êtres.
Tout y est le produit d’une interprétation calculée des
volumes dans l’espace, sans matière et sans âme. Les volumes
virtuels créés par la machine permettent donc de représenter
une certaine perception humaine dans l’espace et dans le temps, mais
ils sont dénués d’âme et ne se comportent que comme
des surfaces vides. Argentinelee projete des images de formes humaines sur
les surfaces de ces volumes primitifs crées par la machine pour leur
donner de la matière, tout en dépouillant le corps humain de
sa substance vivante. Le travail permet de replacer l’homme parmi la
production de la machine, réinterprété par sa propre
création qui le vide de sa substance.
Corps
géométriques : Le cercle, Le cube, Le cône, La sphère
et Le cylindre
_©Argentinelee_5 photographies
numériques sur le papier argentinque_120x120cm chacune_Paris 2009
Clonologie
#1, #2
_©Argentinelee_2 photographies numériques et identiques sur le
papier argentinque_120x80cm chacune_Paris 2009
dessins
Modul'homme #1-#20
_©Argentinelee_20 dessins au stylo à bille sur le papier bristol,
dimensions variables_Paris
Géométries
sensibles
Le travail d’Argentinelee révèle
l’excès de standardisation et de mécanisation du monde
postmoderne, dans lequel la vitesse du progrès machinique minore l’humanité
et la sensibilité humaine au profit de la puissance et de la maîtrise.
Depuis la modernisation et l’industrialisation, les systèmes
technologiques, régis par l’efficacité et le fonctionnalisme,
outils de domination sociale, sont devenus d’une grande complexité
qui dépasse l’individu. Sur le plan esthétique, depuis
la période de la Renaissance, la notion de perspective est le produit
de la modernisation: elle permet la maîtrise de l’espace à
travers la géométrisation du réel.
Quant à elle, Argentinelee met en avant le système géométrique
et en révèle un autre aspect : elle signale le décalage
entre la règle et la réalité. Chez elle, la perception
du corps est une représentation métaphorique du sentiment, de
la psychologie, et même de l’inconscient. Paradoxalement, elle
utilise les formes géométriques - sphères, cubes et cônes
- pour lutter contre la géométrie, pour dévoiler cette
autre face, dissimulée, de la forme. Argentinelee a recours au corps,
lieu de modes multiples de saisie perceptive : perception optique, certes,
mais aussi tactile, sensible. La géométrie refoule la dimension
organique, dissimulée sous l’abstraction idéalisante de
la forme pure, mais Argentinelee expose justement cette dimension occultée
qui transparaît dans ses structures géométriques organisées
avec des corps qui servent de modules dans des matrices formelles que l’on
peut nommer des « géométries sensibles ».
Ces modules de corps amoncelés, déformés, amalgamés
les uns aux autres, forment des figures géométriques abstraites
et dépersonnalisées. Comme ces corps dans « Clonologie
», corps dupliqués comme dans un jeu sans fin de reflets, comme
sur un chaîne de montage industriel. Ces corps sont réversibles
: ce sont des hommes et des femmes, sans hiérarchie, sans endroit ni
envers - des corps humains anonymes qui se situent en-deçà des
clivages ordinaires. Ces corps sont hybrides - hybrides et séparés
: unis dans un même corps, jamais ils ne pourront se rencontrer dans
un acte d’union physique et psychique. Ces corps ne sont plus des corps
individués et singuliers, dotés d’une étendue propre
qui les situe dans un espace particulier. Ils se dupliquent comme des lettres
ou des syntagmes dans une syntaxe rigoureuse et abstraite, comme des modules
dans un dispositif. Ils s’agglomèrent dans des amas où
deviennent pratiquement indiscernables les limites du corps propre. On peut
songer ici à l’œuvre de Dali en collaboration avec le photographe
Philippe Halsman et ses enchevêtrements de corps qui, vus à une
certaine distance, représentent un crâne, mêlant ainsi
Eros et Thanatos.
Mais Argentinelee va plus loin dans le traitement des corps, qui s’accumulent
dans des formes géométriques : son projet n’est pas figuratif
ou allégorique. Le corps n’est pas simplement vu en tant que
représentation de la mortalité dans des œuvres situées
dans le genre de la Vanité, ou comme support de fantasme érotique.
Il n’est pas un simple module dans une structure schématique
qui se déploie tel un circuit électronique dans un espace abstrait,
virtuel. Il est connecteur, trait d’union avec un autre corps. Il est
sensibilité.
Avec ses dessins, qui oscillent entre la planche anatomique, le plan d’architecte
ou le schéma d’ingénieur, Argentinelee traque l’humain
en ce qu’il a de spécifique. Le corps humain-machine se fond
dans divers dispositifs machiniques. Les dessins, traces sur le papier d’un
geste humain, sont faits au stylo à bille : outil banal de l’écriture
ordinaire, procédé mécanique qui évoque le roulement
à billes des appareils. Les dessins sont froids, précis, étudiés
: libres d’affect, peu soucieux d’être les reflets exacts
de la réalité telle que nous la connaissons, ils sont dégagés
de tout sentimentalisme. Les muscles et les articulations du corps humain
sont traités avec la rigueur de l’anatomiste ou de l’ingénieur.
Le corps (les fragments de corps) que ces dessins suggèrent sont faits
pour fonctionner. L’ergonomie règne, ce qui est décoratif
ou anecdotique est éradiqué. Le muscle et l’os se combinent
à des dispositifs artificiels qui s’y greffent pour en augmenter
le rendement. Les corps-machines-outils doivent être efficaces : ils
produisent, ils fournissent un travail qui nécessite de l’énergie.
L’artiste-ingénieur cherche les moyens techniques d’en
décupler la puissance.
De cette manière, Argentinelee nous fait entrevoir le post-humain,
le cyborg, peut-être rendu puissant par ses prothèses mais aussi
victime de la glaciation des sentiments. Ce à quoi s’opposent
la plasticité des chairs, et le corps comme surface sensible, zone
de contact avec le monde extérieur et autrui.
_Sou-Hyeun Kim, historienne
d'art & commissaire d'exposition au
Centre culturel coréen de Paris
u perspective à la machine. L’animation en 3D représente la vision virtuelle de la machine qui n’est pas chez l’ho